Aperçu de la science des incendies de forêt au Canada et de la relation entre les incendies de forêt et les objectifs de développement durable

Fig 1. Des milliers de personnes fuient un incendie de forêt qui a transformé la capitale des Territoires du Nord-Ouest en ville fantôme.

Saki Kondo, collaboratrice bénévole

Pouvez-vous imaginer un monde sans feux de forêt ? Il est fort probable que non. Partout dans le monde, les incendies de forêt ont pris de l'ampleur et sont devenus plus intenses. Ce billet de blog donne un aperçu de la science des feux de forêt au Canada et examine le lien entre les feux de forêt et les objectifs de développement durable (ODD).

Qu'est-ce qu'un feu de forêt ?

Un feu de forêt, souvent appelé feu sauvage, est un incendie involontaire et incontrôlé dans une zone de végétation inflammable telle que la forêt, les broussailles, la toundra, l'herbe, etc. [1]. En moyenne, entre 1970 et 2017, 8 000 incendies de forêt se sont déclarés et ont brûlé 2,25 millions d'hectares au Canada chaque année. Les principales causes de tous les incendies de forêt étaient la foudre (47 %) et l'activité humaine (49 %) entre 1990 et 2016 [2].

Qu'est-ce que la science des incendies de forêt ?

La science des incendies de forêt est la recherche objective, systématique et reproductible de la connaissance. Elle comprend des applications pratiques et des technologies sur des sujets applicables aux incendies de forêt. Les principaux thèmes de la science des incendies de forêt sont les processus physiques et biophysiques, l'écologie, les brûlages dirigés, l'analyse opérationnelle, les systèmes de suppression, les systèmes de gestion, les dimensions humaines, les connaissances traditionnelles, l'économie et la politique [3].

Que sont les ODD ?

Les ODD ont été adoptés par l'Organisation des Nations unies (ONU) en 2015 en tant qu'appel universel à l'action pour mettre fin à la pauvreté, protéger la planète et faire en sorte que tous les peuples jouissent de la paix et de la prospérité. Les 17 ODD reconnaissent que le développement doit équilibrer la durabilité sociale, économique et environnementale et que les actions dans un domaine auront un impact sur les résultats dans d'autres domaines[4].

Fig 2. 17 ODD

Les ODD et les incendies de forêt [5]

L'ampleur croissante des incendies de forêt dans le monde peut avoir de graves répercussions sur les objectifs du Millénaire pour le développement. Les personnes qui dépendent des ressources naturelles sont les plus durement touchées par les incendies. Pour de nombreuses personnes, y compris les populations indigènes, les forêts sont une source de nourriture et de médicaments. Les ressources forestières intactes sont essentielles à la subsistance de nombreuses personnes, en particulier dans les pays les plus pauvres, de sorte qu'un très grand incendie de forêt peut être mortel (objectif 1 : pas de pauvreté, objectif 2 : faim zéro).

Quel que soit l'endroit où vous vivez, la fumée des incendies de forêt est dangereuse pour la santé car elle contribue à la pollution de l'air. Les particules et les gaz dangereux, notamment le monoxyde de carbone, les oxydes d'azote et les composés organiques non méthaniques, sont libérés dans l'atmosphère à cause des incendies de forêt (objectif 3 : bonne santé et bien-être). Les évacuations entraînent des perturbations sociales, des problèmes de santé physique et mentale, ainsi que des perturbations économiques pour les personnes évacuées, leurs familles et leurs communautés (objectifs 1 et 3). En moyenne, 13 500 personnes de 28 communautés sont évacuées chaque année en raison d'incendies de forêt au Canada. Ces chiffres sont en augmentation (Fig. 3).

Lorsque l'ampleur d'un incendie de forêt dépasse la capacité de la repousse à absorber le dioxyde de carbone, il libère du dioxyde de carbone et d'autres gaz à effet de serre (GES) dans le ciel et contribue au réchauffement de la planète. Le transport sur de longues distances des gaz et des particules issus de la combustion de la biomasse peut avoir un impact sur la qualité de l'air au niveau local. En outre, les particules qui se déposent sur la neige et la glace peuvent leur faire absorber la lumière du soleil qu'elles devraient normalement réfléchir, ce qui accélère le processus de réchauffement. En raison de l'importance des émissions de dioxyde de carbone qu'ils génèrent par rapport aux feux de forêt ou de broussailles habituels, les incendies de forêt sur les tourbières hautement inflammables sont particulièrement importants pour le changement climatique. Les boucles de rétroaction climatique sont ces phénomènes, et elles renforcent la nécessité de réduire les émissions pour arrêter l'augmentation de la température mondiale (objectif 13 : action pour le climat).

La science des incendies de forêt au Canada

Pour aider le Canada à se préparer aux futurs incendies de forêt, le Plan directeur pour la science des incendies de forêt au Canada (2019 - 2029), ou Plan directeur, a été établi. Il s'agit d'un plan d'action stratégique axé sur le renforcement des capacités en matière de science des incendies de forêt à l'échelle nationale. Le plan directeur propose six thèmes de recherche clés à étudier, chaque thème représentant un domaine important de la recherche sur les incendies de forêt[3]. [3]

Thème 1 : Comprendre le feu dans un monde en mutation

Ce thème a pour but de mener des recherches physiques fondamentales sur les incendies afin d'améliorer la prise de décision. Malgré des incidents récents très médiatisés, on ne sait toujours pas comment les incendies se propagent et causent des dommages dans l'interface entre les zones urbaines et les zones sauvages. La relation entre les efforts nationaux visant à minimiser les GES et les émissions de GES produites par la combustion de la biomasse forestière lors d'un incendie est un autre facteur à prendre en considération, car ces émissions peuvent contribuer au changement climatique. Bien que le contrôle des incendies et de la végétation puisse contribuer à réduire les émissions, des recherches supplémentaires sont nécessaires dans ce domaine. Pour répondre aux demandes actuelles et futures, le système canadien d'évaluation du danger d'incendie de forêt doit être mis à jour pour servir de base à la description de l'environnement actuel et prévu en matière d'incendie.

Thème 2 : Reconnaître le savoir autochtone

Ce thème vise à reconnaître les connaissances autochtones et à collaborer avec les peuples autochtones pour une meilleure gestion des incendies de forêt. Les peuples autochtones vivent avec les feux de forêt et les utilisent depuis des milliers d'années. Pour de nombreuses cultures indigènes, le brûlage intentionnel est utilisé pour diverses raisons, notamment la modification du paysage, la gestion de la végétation, la réduction des risques pour les communautés, l'amélioration de l'esthétique, l'entretien des sentiers, la réduction des ravageurs forestiers et l'allongement de la période de végétation. Les connaissances autochtones et la science occidentale sont des outils de découverte indépendants mais complémentaires. Les activités de recherche liées à la création de savoirs autochtones doivent être générées par des prises de décision communes au sein des communautés autochtones. Les sujets de recherche prioritaires dans le cadre de ce thème sont la valorisation de l'expertise indigène, la mise en place de mécanismes de collaboration entre la science occidentale et les connaissances indigènes, et l'amélioration des connaissances indigènes en matière d'incendie.

Thème 3 : Renforcer la résilience des communautés et des infrastructures

Ce thème vise à protéger les communautés et les infrastructures forestières contre les incendies de forêt. Pour construire des communautés et des infrastructures résilientes, il faut anticiper les incendies de forêt afin d'influencer la manière, le lieu, le contenu et la raison d'être des structures construites. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour aider à protéger les communautés et les infrastructures, ainsi que pour développer des pratiques de construction, des directives de planification et d'autres techniques qui réduiront les risques et les coûts associés aux incendies de forêt. Le programme canadien FireSmart fournit des conseils et des bonnes pratiques que les propriétaires, les collectivités, l'industrie et d'autres acteurs du secteur forestier peuvent volontairement mettre en œuvre pour réduire les risques d'incendies de forêt. Des recherches sont également nécessaires pour évaluer les normes actuelles en matière de construction, de génie civil, de conception communautaire et de sécurité publique, afin de déterminer s'il y a lieu de modifier les codes, les politiques ou les réglementations.

Thème 4 : Gestion des écosystèmes

Ce thème vise à comprendre les effets des incendies, souhaitables ou non, sur les écosystèmes forestiers. Des recherches sont nécessaires pour étudier trois aspects principaux liés à la gestion des écosystèmes. Premièrement, il faut en savoir plus sur les effets immédiats, à court terme et à long terme des incendies sur les écosystèmes et les processus écologiques connexes. Deuxièmement, il est nécessaire d'analyser spécifiquement les régimes d'incendie et la manière dont ils interagissent avec d'autres perturbations forestières, telles que le changement climatique, les épidémies d'insectes et les maladies. Enfin, il est important d'examiner comment les incendies peuvent être délibérément utilisés pour maximiser les avantages écologiques et réduire les risques sociétaux.

Thème 5 : Proposer des solutions innovantes en matière de gestion des incendies

Ce thème vise à transformer la gestion des incendies par la recherche et l'innovation. La science et la technologie sont les fondements de la gestion innovante des incendies et de la prise de décision. Il est essentiel de combler le fossé entre la science fondamentale (thème 1) et la gestion opérationnelle des incendies pour faire face à des régimes d'incendies de plus en plus dangereux et changeants. Les sciences et technologies innovantes (télédétection, outils d'observation de la terre, etc.) permettront une détection plus précoce et plus précise des incendies et des points chauds. Les nouvelles sciences et technologies amélioreront également l'efficacité des équipements et des guides de lutte contre les incendies afin d'améliorer la santé et la sécurité des pompiers et des autres premiers intervenants. Des mécanismes permanents sont nécessaires pour faciliter le partage de l'information, en veillant à ce que la science soit mise entre les mains des gestionnaires et des praticiens de la lutte contre les incendies, tout en communiquant aux chercheurs les priorités et les besoins des utilisateurs finaux. Une planification efficace qui optimise les ressources limitées et permet le déploiement le plus efficace possible des moyens de lutte contre les incendies est tout aussi importante. Enfin, les organisations doivent également avoir la capacité de gérer l'augmentation de la quantité et de la complexité des données qui sont prévues avec les progrès des systèmes d'évaluation des risques et de prévision.

Thème 6 : Réduire les effets des incendies de forêt sur les Canadiens

Ce thème porte sur le bien-être physique, mental, social et économique à long terme des personnes touchées par les incendies de forêt. Il est surprenant de constater que l'on sait peu de choses sur les coûts socio-économiques d'une catastrophe naturelle telle que les incendies de forêt, tant à court qu'à long terme. Il est nécessaire de mener davantage de recherches socio-économiques pour mieux comprendre les coûts réels des incendies de forêt. Sans une compréhension de l'économie des incendies de forêt, il est impossible de justifier la gestion des incendies. Il faut davantage de sciences sociales pour évaluer les effets que les incendies de forêt peuvent avoir sur les communautés et les populations autochtones, l'état de préparation des communautés autochtones à travers le Canada, les caractéristiques d'une récupération réussie après un incendie et la criminalité associée à l'allumage délibéré d'incendies de forêt. L'engagement du public est un élément essentiel pour créer une résilience face aux incendies de forêt, car les activités de prévention au niveau des propriétaires et des communautés sont les plus rentables. Il est également nécessaire d'aider les personnes touchées à comprendre la gestion des incendies et les types d'actions nécessaires pour lutter contre les incendies et reconstruire avec une plus grande résilience. Cette démarche est connue dans les milieux internationaux de la gestion des urgences sous le nom de "Build Back Better" (reconstruire en mieux).

Résumé

En plus de mettre en péril l'accès des populations à l'air pur, à un logement sûr et aux ressources naturelles, les incendies de forêt peuvent avoir un impact négatif important sur les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). Malgré tous les incendies passés, on n'a pas fait assez pour se préparer aux incendies futurs. Le plan directeur pour la science des feux de forêt au Canada peut constituer un plan d'action stratégique utile pour organiser les activités de recherche nécessaires afin de comprendre et de surmonter les difficultés liées à l'élaboration de meilleurs systèmes de gestion des feux de forêt ainsi que des communautés et des personnes touchées.

Références

1. Canada Wildfire

2. Wildfire management in Canada: Review, challenges and opportunities.

3. Blueprint for wildland fire science in Canada (2019-2029) | Natural Resources Canada

4. Sustainable Development Goals | United Nations Development Programme

5. The effect of wildfires on sustainable development.

A propos de l'auteur

Saki Kondo est rédactrice bénévole du blogue du RCEN. Elle est passionnée par l'apprentissage, en particulier par les questions environnementales. Elle est titulaire d'une maîtrise en chimie de l'Université Toyo au Japon et d'une maîtrise en sciences de l'environnement de l'Université du Nord de la Colombie-Britannique à Prince George (C.-B.). Elle est certifiée en tant que professionnelle de l'environnement en formation (EPt) par ECO Canada.

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