Stratégie canadienne pour la biodiversité : Construire une nouvelle voie pour la nature

Photo: Petr Ganaj

Hannah Carey, RCEN Membre du comité directeur du caucus sur la biodiversité

En décembre 2022, le Canada, ainsi que près de 200 autres pays, a adopté le Cadre mondial pour la biodiversité Kunming-Montréal (CMGB) lors de la 15e Conférence des Parties des Nations unies (COP15) qui s'est tenue à Montréal. Le CMMB présente 23 objectifs à atteindre d'ici 2030, ce qui permettra de progresser vers les quatre objectifs de 2050. L'objectif primordial est de stopper et d'inverser la perte de la nature, et les objectifs et cibles décrits sont ambitieux et nécessaires. La réalisation de ces objectifs nécessitera une collaboration et des actions dédiées, au-delà de tout ce que nous avons connu jusqu'à présent.

Avec la signature de ce nouvel accord, chaque pays est désormais responsable de l'élaboration d'une Stratégie et plans d'action nationaux pour la biodiversité (SPANB). L'objectif de ce plan est de responsabiliser les pays et de créer quelque chose de réalisable et de fructueux.

Comme beaucoup d'entre nous le savent déjà, nous traversons actuellement une crise de la biodiversité. Au Canada, plus de 5 000 espèces sont répertoriées comme étant en danger critique d'extinction, en danger ou vulnérables (1). Continuer à subir des pertes d'espèces se fera au détriment de multiples secteurs et communautés. D'ici à 2030, des changements politiques, culturels et sociétaux majeurs doivent être amorcés et ce plan d'action national pourrait être le catalyseur dont nous avons besoin. Ce plan offre également la possibilité d'œuvrer à la réconciliation avec les peuples autochtones, un aspect essentiel de la protection et de la restauration de l'environnement.

Au cours de l'année à venir, le gouvernement fédéral canadien prévoit d'élaborer le PNAE en s'appuyant sur les contributions du public et de divers experts. Le gouvernement fédéral a entamé la période de consultation publique par un symposium le 15 mai 2023. Par la suite, une enquête publique a été disponible jusqu'au 14 juillet 2023. En plus de remplir le sondage, le Caucus de la biodiversité du RCEN a soumis une lettre au gouvernement fédéral avec des commentaires et des suggestions.

Photo: Robert So

Dans le cadre de nos discussions, le groupe parlementaire sur la biodiversité a préparé un certain nombre de commentaires en vue de l'élaboration de la stratégie du gouvernement. Je présente ci-dessous les principales idées et recommandations issues de ces réunions :


  • Nous avons besoin d'une approche cohérente, à l'échelle du gouvernement, pour donner la priorité à la nature. La participation, les décisions et les investissements du gouvernement doivent se faire entre les différents départements et niveaux afin d'être alignés sur l'objectif commun de stopper et d'inverser la perte de biodiversité. Ce n'est qu'avec une collaboration totale entre tous les gouvernements et départements que nous pourrons répondre aux besoins de la nature et la protéger correctement.

  • La conservation menée par les autochtones doit être au premier plan. La stratégie doit être élaborée et mise en œuvre en adoptant une approche double. Les perspectives et les connaissances des populations autochtones doivent être consultées et classées par ordre de priorité. Les gardiens de la terre et de l'eau depuis des millénaires détiennent les connaissances fondamentales pour garantir que toute vie sur terre et dans les océans puisse se rétablir et prospérer.

  • Tous les objectifs et cibles du cadre mondial pour la biodiversité devraient être inclus et fonctionner de manière cohérente et non séparément. Il n'existe pas de but ou d'objectif unique qui permette d'arrêter et d'inverser la perte de la nature. Bon nombre des menaces et des causes de la perte de biodiversité se recoupent et les solutions doivent donc faire de même. Il serait efficace d'utiliser les objectifs et les cibles facilement disponibles définis par la Convention sur la diversité biologique pour informer la définition des objectifs nationaux au Canada et couvrir en profondeur les points stratégiques.

  • La stratégie doit intégrer des mesures de réussite. La possibilité de suivre et d'évaluer les progrès permet de procéder à des ajustements et de responsabiliser les parties concernées. Nous avons besoin d'une approche claire avec des étapes articulées.

  • Nous prenons en compte les impacts cumulatifs et nous identifions et déconstruisons les moteurs de la perte de biodiversité. Les zones officiellement et officieusement protégées doivent l'être (contre les espèces envahissantes, la pollution et le développement, par exemple). La protection d'au moins 30 % des terres et des océans d'ici à 2030 doit rester un pilier essentiel, mais les espèces qui existent en dehors de ces zones ne doivent pas être oubliées.

  • La stratégie doit suivre une approche écocentrique. Les espèces, les habitats et les écosystèmes doivent être prioritaires et pris en compte dans tous les domaines. La biodiversité dans la nature est nécessaire à l'existence humaine, non seulement pour en être témoin et en faire l'expérience, mais aussi pour les services écosystémiques dont nous bénéficions. L'homme fait partie de la nature, il n'est pas au-dessus d'elle ni contre elle.

  • Les initiatives des collectivités locales ont besoin de financement et de soutien. Nous devons créer une voie permettant aux villes de progresser indépendamment du soutien provincial. L'engagement au niveau local peut être essentiel pour connecter et éduquer les gens et pour développer une dynamique générale.

  • L'engagement et la sensibilisation du public doivent être permanents. L'action urgente et ambitieuse nécessitera une coordination, une collaboration et l'intégration de l'importance de la biodiversité. Chacun doit avoir la possibilité de participer au processus décisionnel.

Quelle est la prochaine étape ?

Nous voulons connaître votre avis. Le caucus biodiversité a fait circuler notre lettre de suggestions et de recommandations qui a été envoyée au gouvernement fédéral et nous voulons savoir ce que nous avons omis ou ce qui nécessite un développement. Si vous avez des commentaires à ajouter, n'hésitez pas à nous les faire parvenir. Nous organiserons une réunion le 24 août pour discuter et présenter les réactions.

Il est important que le plus grand nombre possible de voix et de points de vue soient entendus.

Il y a beaucoup de travail à faire, et une grande partie de ce travail doit se faire en parallèle pour respecter le calendrier de ces objectifs. Ce travail est attendu depuis longtemps et nous devons continuer sur notre lancée.

Nous soumettrons la lettre révisée au gouvernement fédéral en septembre et espérons poursuivre les conversations tout au long de ce processus et de la mise en œuvre du SPANB du Canada. Si nous voulons protéger la nature et démontrer l'importance de ce changement, nous devons participer et nous engager dans ces processus. Le monde dans lequel nous souhaitons vivre dépend de nos voix, qui sont plus fortes ensemble.

Si vous ne figurez pas encore sur la liste de diffusion, vous pouvez la rejoindre en envoyant un message à outreach@rcen.ca.


Références

1. Canadian Endangered Species Conservation Council. 2022. Wild Species 2020: The General Status of Species in Canada. National General Status Working Group: 172 pp.

À propos de l'auteure

Hannah Carey vit à Tiohtià:ke (Montréal), le territoire traditionnel des Kanien'kehà:ka. Elle aime tout ce qui touche à la nature et travaille dans le domaine de l'écologie de la conservation depuis 2016. Hannah est actuellement membre du comité directeur du caucus de la biodiversité du RCEN. Elle est titulaire d'un diplôme de premier cycle en biologie de l'Université Bishop's et d'une maîtrise en gestion des ressources naturelles de l'Institut des ressources naturelles de l'Université du Manitoba.

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